Monday, August 31, 2009

ETRE UNE FEMME


« Nous n'allons pas permettre aux Européens de décrire et de définir nos enfants » : ses mots, prononcés par Leonard Chuene, le président de la Fédération sud-africaine d'athlétisme lors de la conférence de presse organisée pour recevoir « La fille en or de l’Afrique du Sud », montrent bien, si besoin, que la polémique Caster Semenya a largement dépassé les frontières de l’athlétisme. Après une victoire du 800 m- elle a pulvérisé du record existant de 2 secondes- la jeune femme à la voix « rauque » a été soumise à un « test de féminité » : Pour l’IAFF il y avait un en effet un « doute visuel » -le terme peut inquiéter. La championne a été soumise à une batterie de tests par une équipe composée d’un endocrinologue, d’un généticien, d’un psychologue et d’une spécialiste du genre. Depuis les jeux olympiques de Sydney, la pratique, développée lors des jeux de Bucarest en 1966 (à cause de lanceuses de L’Est un peu trop performantes et barquées), n’avait plus cours. Car difficulté, il existe de moins en moins de critères fiables pour déterminer l’identité sexuée. Génétique ? « Depuis les années 90, et la prise en compte des intersexués, les généticiens savent bien qu’un code XX ne suffit pas à garantir « la vraie » femme », explique la sociologue Catherine Louveau spécialiste des questions de genre dans le sport. Hormonal ? « L’entraînement intensif à haut niveau provoque des modifications hormonales. Les Hommes eux même secrètent des taux de testostérone très variables», poursuit-elle. Psychologique ? « on connaît l’existence de disjonction entre le sexe de naissance,celui auquel on se sent appartenir », poursuit Louveau, qui parle de « procès de virilisation » pour désigner les mises cause dont font l’objet les sportives femmes ( Longo, Navratilova, Mauresmo…) dès qu’elle sortent de la norme dominante. .« Le sport fonctionne comme un conservateur des modèles dominants de masculin et de féminin », explique-t-elle. Car c’est bien de cela dont il est question ici, et pas d’une performance phénoménale – la question du dopage n’ayant même pas été abordeé. « Que la masculinité n’appartienne pas exclusivement aux hommes, ça terrifie, renchérit la théoricienne de genre Marie Hélène Bourcier, co-auteure d’un ouvrage collectif intitulé « Les Fleurs du mâle ». Pour des raisons de privilèges sociaux , et de confort,elle est pourtant très attirante pour les femmes, qui n’ont pas arrêté de se viriliser». Bourcier pointe également une autre lecture, raciale, celle là. « Culturellement, et c’est lié à l’histoire de l’esclavage, on reproche toujours à la femme noire d’être dans l’excès. Forte, puissante. Le battage autour de Semenyna me fait penser aux foires de freaks du 19 ème siècle, qui mettaient en scène sexe et race.» Les résultats des tests qui statueront sur le sort de Caster Semenya seront connus « dans les trois semaines ».

Géraldine Sarratia


Catherine Louveau et Anaïs Bohuon : « Le test de féminité, analyseur du procès de virilisation fait aux sportives » dans l’ouvrage Sport et genre XIXe – XX e siècles , L’Harmattan


« Les fleurs du mâle. Masculinité sans hommes ? »,coordonné par Marie-Hélène Bourcier et Pascale Molinier. , 250 p.L’Harmattan, 24,50 euros.

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