Monday, July 21, 2008


TRIP D'ENFER

Virginie Despentes a secoué la France machiste et réac en inventant deux héroïnes fortes et sujets de leur destin. Loin du cliché de la femme victime. Salutaire.

Pas de suspens, c’est écrit et consigné dès le deuxième chapitre, page 13 de l’édition d’origine : « Manu n’avait pas l’âme d’une héroïne. Elle s’est habituée à avoir la vie terne, le ventre plein de merde et à fermer sa gueule. » Petite, nerveuse, elle parle le plus possible la bouche pleine, dit tout ce qui lui passe par la tête, est portée sur la bibine. Elle se défonce à tout va, a tourné dans quelques pornos « avec des animaux », et aime baiser, « attraper du loup » comme elle dit, parce que : « Plus tu baises dur, moins du cogites et mieux tu dors ». De deux têtes plus grande, d’apparence plus féminine, plus introvertie, Nadine passe son temps à mater elle aussi des pornos, au grand dam de sa colocataire. Pas belle, pas moche non plus, un physique déroutant mais pas désagréable. Deux trois fois par semaine, elle enfile une jupe, qui lui moule un peu trop le cul, monte sur des hauts talons et va se taper deux ou trois clients. « Elle dévisage les gens, tous les messieurs qu’elle croise peuvent l’avoir. Même les plus vieux et les plus sales.» Elle racole sur Minitel, avec des baselines telles que « jeune ville vénale mais très docile cherche Monsieur sévère». Elle claque son fric en casques de walkman, qui se pètent sans arrêt. Futur? Aucun. Séparément, Manu et Nadine sont donc deux looseuses, deux déracinées et paumées à qui la vie ne sourira jamais. Leur rencontre, qui intervient suite à deux blessures-ruptures narratives (un meurtre, un viol) change totalement la donne. Ensemble Nadine et Manu sont les deux femmes les plus fortes, explosives, dérangeantes et transgressives qu’il nous ait été donné de lire, imaginer et par suite voir (l’adaptation du livre au cinéma par Despentes et Coralie Trin Thi) en France depuis dix ans. Tout d’abord parce qu’il y a chez elles, en dépit des apparences quelques chose d’intensément grand et absolu, « une inétanchable soif » (qu’elle soit « de foutre, de bière ou de whisky ») d’aller jusqu’au bout de leur destinée, coûte que coûte, de rattraper toute une vie dans un road trip sanglant, sexuel et défoncé de quelques jours. Une ironie désespérée, un jusque-boutisme qu’elles résument dans une formule parfaite et laconique : « Si t’as mal au pouce coupe toi le bras ». Surtout Nadine et Manu ont fait valser, il y a presque dix ans déjà, un grand bloc de certitudes en imposant une typologie de personnages totalement novatrices dans le paysage français : l’héroïne pro sexe vengeresse. Une femme qui, après avoir été abusée ne s’en tient pas à sa condition de victime, décide de se venger, introduisant par là en France le genre du Rape and Revenge cher à Quentin Tarantino, de Jackie Brown à Boulevard de la mort en passant par Kill Bill. A chaque kilomètre parcouru, à chaque balle tirée, à chaque homme baisé puis laissé en plan, les très queer Manu et Nadine enfreignent les lois de l’hétérosexualité dominante, dévissent la matrice sexe/genre, et proposent un retournement de valeurs qui, s’il semble en 1996 voué à l’échec (Manu se fait descendre, Nadine se fait arrêter en cavale), n’en reste pas moins salutaire, salvateur et plein de possibles. Des libertés que beaucoup, même à gauche, ne pardonneront pas à Despentes. Dans une réplique machiste et réac, qui fait toujours froid dans le dos, Laurent Joffrin, alors rédacteur en chef du Nouvel Observateur écrit que « Virginie Despentes représente une sorte de fascisme à visage humain ». Toutes (et tous) les autres, lui disent un immense merci.

G.S

Baise-moi de Virginie Despentes, éditions J’ai Lu



Wednesday, July 02, 2008

5 P.M AVEC AGYNESS

La top la plus hype et androgyne du moment, Agyness Deyn s'associe avec le groupe indie Five o'clock Heroes sur Who, bluette pop dont on se fout un peu. mais le clip vaut lui sacrément le détour. pour le plaisir des yeux.

Thursday, June 19, 2008


LES PAS DE LOUISE

Après Louise Bourgeois, voilà une autre Louise, tout aussi passionnante : la danseuse Louise Lecavalier. Danseuse athlétique dans les années 80, handicapée par uen blessure à la hanche qui la met en retrait, Louise revient sur scène avec le chorégraphe Benoit Lachambre. A 50 ans, elle découvre les joies de l'improvisation.

Il y a quelques mois, en arrivant sur la petite scène à peine éclairée de la Ménagerie de Verre, Louise Lecavalier avait commencé par s’habiller, et enfiler sur son corps élastique un survêtement Adidas noir et jaune et une paire de runnings. On eut pourtant la sensation qu’elle se mettait à nu. En une heure de solo d’une lenteur extrême, qui disait à la fois l’effort, le dépassement de soi, la tentation de l’informe, la possibilité que le corps lâche, elle se livra à des contorsions inouïes, qui empruntaient à la fois au hip-hop, au yoga, au pilate et semblaient converger vers un seul but : repartir à la découverte d’une gestuelle personnelle, et renouer, à 50 ans, avec son identité de danseuse. Intitulé I is Memory, ce solo conçu par le chorégraphe canadien Benoit Lachambre, qui accordait énormément de place à l’improvisation, sonnait comme un nouveau départ, dans la carrière de Lecavalier, tranchant totalement avec ce qu’elle avait accompli jusqu’alors aux côtés d’Eduard Lock dans La La La Human steps. Pendant dix huit ans celle que l’on surnommait « la tornade blonde », en raison de l’énergie déployée sur scène, était devenue l’emblème de la danse du détail, de la perfection développée par Lock: une danse très athlétique, expression d’une démesure, qui repoussait sans cesse les limites du corps et demandant à ses interprètes d’exécuter des mouvements d’une rapidité folle. Sur scène, dans des spectacles tels que Human Sex (1985) ou Infante 1 et 2 (1991 et 1992) Lecavalier exécutait ainsi des mouvements d’une technicité époustouflante, enchaînant à l’infini ainsi des sauts périlleux sans élan. « J’ai adoré travailler avec Edouard, raconte Lecavalier, que l’on retrouve dans sa loge après une représentation au Festival TransAmériques de Montréal. Elle présentait Is you me, un spectacle dansé en duo avec Benoit Lachambre, que l’on peut voir cette semaine à Paris. Je ne regrette rien. Malgré cette rigueur chorégraphique, j’avais toujours ma liberté, je pouvais toujours trouver des espaces où mettre mon imaginaire. J’étais tellement intrigué par sa façon de bouger qui était très algue. Pour m’approprier ce langage, j’ai du travailler très fort ». A la fin des années 80 nombreux sont ceux qui la considèrent comme « la danseuse la plus brillante de l’époque ». Bowie, grand fan, l’invite à danser sur sa tournée Sound and Visions en 1990. Pendant longtemps, Lecavalier, originaire de Laval, la campagne Montréalaise, « la honte totale, la ville où il ne se passe rien par excellence » dit pourtant avoir eu du mal à se considérer comme danseuse. Elle raconte ainsi comment, après ses études de danse à Montréal, elle refuse la place de danseuse que lui propose une compagnie contemporaine. « Je pensais que je n’étais pas assez bonne », glisse-t-elle, avec un air de sauvageonne. Un syndrome qui la poursuit pendant dix bonnes années. En 1999, une vilaine blessure à la hanche l’oblige pourtant à mettre un terme avec sa collaboration avec Lock et à quitter La La La. « Cela a coïncidé avec le moment où Edouard à bifurqué vers le ballet. Et c’était une technique que je ne pouvais plus approcher, ma jambe ne pouvait plus. J’ai essayé de rester un temps mais je ne pouvais plus être avec les autres. Etre une île toute seule, c’est difficile. J’ai préféré partir et voir ce que je pourrais inventer seule. » S’en suit une longue période de remise en question, pendant laquelle Lecavalier réapprend à bouger petit à petit. « Il me fallait dix jours pour pouvoir reproduire un mouvement ». Elle pratique énormément le yoga, les pilates et travaille plus en longueur, en élasticité. Elle fait deux enfants. Une opération de la hanche achève de la remettre sur pieds. Sa rencontre avec Benoit Lachambre, qui vient de l’improvisation, joue un grand rôle dans son processus de réparation. « Quand j’ai appelé Benoit je connaissais très peu son travail. Je ne lui avais quasiment jamais parlé. Plus j’ai envie de travailler avec quelqu’un, moins j’ai envie de lui parler. Danser, cela passe par tellement autrement chose que des mots. C’est physique, il faut ressentir du plaisir à bouger ensemble. Je sentais que c’était un esprit libre, il me semblait proche, même si nos corps sont très différents.» Pendant plusieurs semaines, ils se retrouvent en studio et improvisent sans relâche, regardant le reflet de l’autre dans un miroir. Lecavalier, moins rompue à l’exercice que Lachambre, se sent bloquée, et pense qu’elle n’arrivera à rien. Peu à peu la confiance revient. « Un jour, nous avons fait une impro formidable, je ne me voyais pas, j’y allais à fond. Dans le miroir, j’ai vu son bras qui rentrait par erreur dans l’image et il y a eu un moment où ce qui était lui était moi, tout se mélangeait. De là est venu le titre Is You Me ». Quelques mois plus tard, à Montréal les deux danseurs évoluent sur un plan incliné, le visage dissimulé par une capuche, vêtus de vêtements de sport. Assis à un bureau à droite de la scène, le vidéaste Laurent Goldring dessine en live des formes, pleins vide, déliés, qui se surimpriment, par un procédé de vidéo-projection, sur les corps des danseurs et donnent une esthétique très BD à l’ensemble. Jouant de leurs contrastes physiques, elle frêle et élastique, lui plus imposant, évoluant souvent à l’horizontale, ils se mélangent, se quittent et composent un dialogue très contemporain qui interroge les notions de fusion, de perte, de distance entre soi et l’autre, comme pour tenter de quantifier ce qu’il reste de soi quand on s’abandonne à l’autre. Dans ce registre, Lecavalier est impériale. Dans sa loge, à la sortie du spectacle, elle avoue : « Depuis que j’ai mes enfants et que je suis guérie de ma blessure, j’ai l’impression que ça danse tout seul. J’ai pourtant mis un temps fou à dire que j’étais danseuse. J’étais douée mais je voyais le chemin à parcourir pour devenir une bonne danseuse. Je le vois toujours, c’est pour ça que je danse encore. »

Géraldine Sarratia, in Les Inrocks, juin 2008

Friday, June 06, 2008

MA CABANE AU CANADA

Après deux jours passés à suivre le festival Transamériques de danse et théâtre contemporaine illuminé par la prestation de l’immense Louise Lecavalier dans Is you me une pièce de benoit Lachambre, je me prépare donc à me lancer dans quatre jours de Mutek. Ce festival, qui fête sa neuvième édition, et mêle chaque année esprit de découverte, goût de l’expérimental et têtes d’affiches, fait partie avec Sonar des plus importants et pointus au monde en matière de musique électronique. Pourtant Mutek a connu de grosses difficultés il y a deux ans, montrant à quel point il est difficile d’installer un événement « électronique » durable en Amérique du Nord où la culture « clubbing » à l’européenne n’existe pas à proprement parler. Vous trouverez peu de véritables clubs à Montréal, davantage des salles de concerts reconverties pour l’occasion. Pas la peine non plus de se mettre en tête de danser jusqu’au bout de la nuit ou de viser l’after, les clubs fermant leurs portes à trois heures du matin. Fort de nouvelles subventions donc, et d’une programmation plus éclectique et moins « nerd » et « laptop », l’édition 2008 s’annonce des plus excitantes avec en autres Modeselektor, Sleeparchive, les excellents The Field, Carl Craig, le petit chouchou du moment Danton Eeprom, Kid Koala, ou encore Chloé, qui présentera pour une des premières fois le live de son album The Waiting Room.

fontainesonore

Mutek propose également quelques débats sur la distribution digitale, les problématiques des festivals ou les avancées technologiques ainsi que quelques expositions. En zonant au cocktail d’inauguration, je suis ainsi tombée sur une expo retraçant l’histoire de SONDE, un des groupes mythiques electro-acoustique de la scène montréalaise de la fin des années 70, début des années 80( le groupe fut actif de 1976 à 1986). Fondé par Charles Mestral, il se composait de huits musiciens (Andrew Culver, Pierre Dostie, Chris Howard, Robin Minard, Michael O’Neil, Linda Pavelka) et fut un des rares groupes québécois d’intervention musicale à adopter dans sa pratique une approche transdisciplinaire, mêlant art visuel, installation, performance… En plus de proposer des extraits de leur musique, cosmique, bruitiste et totalement barrée, l’exposition présentait quelques uns des incroyables instruments et structures sonores construits par le groupe, telle cette fontaine sonore composée de tubes et de cuves d’acier. (on peut écouter des extraits sur www.electrocd.com/)


Mais ce mercredi, ce sont les légendes de Détroit Interstellar Fugitives du collectif Underground Resistance qui donnèrent réellement le coup d’envoi de Mutek, succédant au duo local de house tendance eighties Heart & Soul, qui avait eu le bon goût de se produire le visage masqué d’un bandana, en hommage à leurs prestigieux aînés. undergroundresistanceAu début des années 90, les membres d’Ur, qui appelaient à la révolte et au renversement du système en place qui opprimait la communauté noire, se produisaient à visage couvert, le plus souvent cagoulé. Une révolte qui semble intacte, quinze ans plus tard quand les cinq membres du crew montent sur la petite scène du SAT, maintenue dans une obscurité presque totale. Pendant que Mad Mike, la casquette vissée sur la tête à son habitude, reste à l’arrière, semblant protéger une ligne invisible, l’athlétique chanteur occupe l’espace d’une manière très frontale. Massif, impressionnant, coiffé d’un béret militaire, il ponctue son chant d’une gestuelle mêlant mouvements de boxe et danse tribale. « Le chaos n’est pas le désordre. Le chaos est la liberté », dit–il se lançant dans Chaos and Order, titre manifeste du crew qui s’étire sur cinq bonnes minutes. Sur les écrans derrière le groupe sont projetées des images de danseurs africains en tenue guerrière avec masques et sagaie, des cartes de la Zulu Nation, des armes. Un titre plus rapide enchaine « Je veux que tout le monde danse », ordonne-t-il. A vos ordres semble répondre la salle, déchaînée, qui savoure chaque instant de cette techno minimale urbaine et industrielle, qui quinze ans après, n’a pas pris une ride.

Jeudi 29 mai

Le fait que Mutek ne soit composé que par des lives électroniques (pas de DJ set) confère à ce festival une réelle singularité et une atmosphère unique. Peut être parfois moins festive (quoique), mais de bout en bout passionnante et riche en découvertes. Ce soir, je choisis d’aller assister à Visions, un programme qui travaille sur la relation son / image. Au Théâtre du Nouveau Monde trois ou quatre artistes se succèdent chaque soir. le live électronique comportant la projections de visuels est un exercice qui peut s’avérer casse gueule et ce pour de multiples raisons : musique pas à la hauteur, images dont on ne perçoit pas la cohérence etc.. Nokami & Sans Soleil, projet d’Eric Filion et Michael Trommer qui présentaient Semiosis en fut un peu l’illlustration. Peu captivé pare la musique très ambiant et dénuée de prise de risque, on eut du mal à saisir où voulait en venir leurs images, fourre-tout stylistique. Beaucoup plus cohérente et flippante fut la performance de Freida Abtan, un jeune artiste, vidéaste canadienne aux cheveux bleus et aux faux airs de Lydia Lunch. Très figurative, mettant en scène des personnages semblant sorti de peintures baroques, sa pièce The Hands of The Dancer convoque un univers puissant et dérangeant. A suivre. Le temps de remonter un peu la rue Saint Catherine, de prendre le boulevard saint Laurent et nous voilà à la petite salle SAT. Debout face à des vieux tournes disques bricolés et peints en couleur, le canadien Martin Tréteault présente pour la première fois Artificial Process. Expérimentant le son produit par le contact des différentes matières avec le diamant, , qui joue à un volume proche de l’insoutenable, produit des textures, frottements, scratches.. Trop punk, trop fort, la pièce se vide peu à peu.


Vendredi 30 mai

http://www.lesinrocks.com/uploads/radiocanada.jpg11 h du matin. Direction Radio Canada. L’émission Bande à Part, petit joyau alternatif et déconneur dans l’imposante et tradi radio nationale, enregistre da dernière émission de la saison. Best of des meilleures moments, elle accueille aussi aujourd’hui des lives d’artistes électroniques invités par Mutek. Les studios sont superbes, au quinzième étage avec une vue imprenable sur le fleuve Saint Laurent.





L'image “http://www.lesinrocks.com/uploads/jpcaufield.jpg” ne peut être affichée car elle contient des erreurs.
C’est Jeremy P. Caufield, Canadien installé depuis plusieurs années à Berlin qui s’y colle en premier. (PHOTO) A mi-chemin entre le live et le set DJ (il mixe sur Serato et intercale des morceaux de sa propre production), sa performance sent bon les after berlinoises : ultra rythmée et minimale. Chloé enchaîne, donnant un léger avant-goût de sa performance du 31 au Métropolis. Commençant par le morceau d’introduction de son album The Waiting Room, elle construit un live hypnotique, tout en lenteur qui gagne le cerveau petit à petit à mesure que le tempo augmente. Reliftée en version club, It’s Sunday et sa rythmique lancinante commence à sérieusement faire de dégâts sur les parois intérieures du crâne. L’après midi se poursuit sur le boulevard Saint Laurent.




http://www.lesinrocks.com/uploads/choloe.jpgJ’accompagne Chloé (PHOTO) au magasin Moog, qui déborde de claviers et a de quoi rendre n’importe quel producteur de musique électronique cinglé. 22 h Métropolis Première grosse soirée du Mutek dans cette belle et grande salle qui communique avec le Savoy, une salle à la plus petite capacité située au premier étage. Kid Koala, petit prodige local (il mixe à trois platines) débute son set avec la classique et mélancolique Old River, qu’Almodovar a remis au goût du jour dans son film « La mauvaise éducation », puis enchaîne avec des riffs de grosses guitares qui tâchent. Virtuose mais sacrément ennuyeux. Mieux vaut se diriger au Savoy, complètement électrisé par la performance de Dave Aju. L’Américain signé chez Circus Company met littéralement le dance-floor en ébullition avec ses tracks de minimale survitaminée, propulsée par des basses puissantes et constantes. Elégant avec sa casquette de petit monsieur et ses fines lunettes, Aju dégage une énergie qui semble sans limite et rappelle celle dégagée par le Français Ark il y a quelques années.

Samedi 31 mai

A peine remise de l’excellente prestation de Modeselekotor associés aux VJ berlinois Pfinfanderei, voilà qu’il faut déjà affronter le line up prometteur et gargantuesque du samedi soir. Faute de pluie le pique-nique electronique prévu l’après-midi (avec entre autres Flying Lotus, projet du petit fils de John et Alice Coltrane) dans un des parcs de la ville s’est rabattu dans la petite salle de la Sat. Le son est excellent, les prestations de haute volée.
22 h Métropolis. Le Canadien Noah Pred est déjà derrière son laptop et balance un son puissant, qu’on s’attendrait plutôt à entendre jouer sur le coup de 2 h du mat. Chloé, qui se produit pour la première fois en live au Canada, branche son matériel, et n’hésite pas à mutek302radicalement ralentir le tempo quand elle prend la relève sur le coup de 23 H 15. « I want you », susurre-t-elle au micro, tandis que retentissent des basses lentes, déjà sexuelles. Début d’une heure de live épique, hypnotique et mental qui prend totalement possession du dancefloor, lui imprime son rythme, sa manière de bouger et de penser. Exercice difficile s’il en est, la lenteur devient un formidable atout. Jouant sur les longueurs, sur les notions d’abandon et de frustration, Chloé tient les corps parfois par un fil ténu, avant d’accélérer à nouveau le tempo ou de rétablir un pied rassurant et protecteur. Une performance de haute volée, qui devrait encore gagner en intensité dans les semaines et mois à venir.


Au Savoy, la petite salle située à l’étage du Métropolis, la soirée a également démarré en fanfare, avec d’excellents lives de Kode 9 & Space Apen du label anglais hyperdub et Quiet Village (projet parallèle de Matt Edwards de Radioslave et de Joel Martin). Arrivé le jour même par avion Matt Edward, qui doit assurer le Dj set de fin de nuit connaît d’ailleurs quelques mésaventures : son sac de disques, paumé par la compagnie, n’est toujours pas arrivé. Backstage, une poignée d’artistes lui gravent donc en urgence des tracks afin qu’il puisse assurer son set à 3 du mat.


01h 00. The Field, groupe signé chez Kompakt et auteur l’an passé du très convaincant From Here we Go Sublime, a pris possession de la grande salle. mutek303Mêlant machines et instruments analogiques (dont une super basse Hofner vintage), le trio conduit par le Suédois et moustachu Axel Willner chauffe à fond le plancher de danse du Métropolis, préparant le terrain à Danton Eeprom. Le Français, qui a également connu quelques mésaventures aériennes et failli ne jamais atteindre Montréal, s’est mis sur son trente et a grave la gnaque. Très classe en pantalon, chemise blanche et fine cravate noire, derrière sa console, le marseillais expatrié à Londres se lance dans un live totalement trippé et dantesque, à l’image de Confessions of an opium eater, un de ses meilleurs tracks à ce jour. A suivre de très très près, en attendant la sortie de son album à la rentrée.


Le site de Mutek

Géraldine Sarratia

30 mai 2008

Tuesday, May 20, 2008

Hercules, dieu Disco

Piloté par le DJ Andrew Butler, chanté par Antony et produit par DFA, le projet collectif Hercules and Love Affair parvient à allier esprit disco des origines et production electro contemporaine. Ils seront en live le 8 juin à la Cigale. A ne pas manquer

Ces jours-ci, impossible d’y couper. Au moindre déplacement urbain, la silhouette de Franck Dusbocq, le regard bleu torve, lunettes à la main, un caddie dans l’autre, se charge de rappeler l’évidence : la disco revient. Pour le pire, comme dans ce film de Fabien Oteniente où elle est caricaturéé, vidée de son sens, réduite à une farce : boules à facettes, jeans moule-burnes, casques de chantiers, beauferie sous-jacente. Mais aussi pour le meilleur. Ces deux dernières années, les avant-gardes électroniques se sont en effet pris de passion pour ce genre né au début des années 70. Les ressorties, redécouvertes et titres rares ont fleuri dans les mixs, compilations des labels electro (Dirty Space Disco sortie par le label Tigersushi l’an passée, ou la Colette 8 mixée par le français Joakim) et de nombreux artistes (Lindström, Prinzhorn Thomas, plus récemment les très italo-disco Glass Candy ou encore Chromatics …) ont injecté la fameuse rythmique synthétique et nonchalante dans leurs productions. Avec des artistes tels que les Scissors Sisters, Mika ou plus récemment des pitreries de Calvin Harris (et de son irrésistible acceptable In The Eighties), la fièvre a également gagné le mainstream. Dans ce vaste revival, Hercules and Love Affair, projet collectif piloté par Andrew Butler, un DJ rouquin fou de disco qui évolue dans les milieux queer new-yorkais depuis une quinzaine d’années, s’affirme pourtant comme le plus passionnant. Peut être et avant tout parce qu’il est celui qui, en faisant preuve d’une production très contemporaine (il sort sur DFA, le label de James Murphy), renoue le plus profondément avec l’esprit des origines, quand le genre était encore une musique minoritaire qui propulsait sur le devant de la scène Noirs, femmes et homosexuels, en bonne héritière des mouvements féministes de la fin des années 60 et des soulèvements de Stonewall. Une musique de plaisir partagée, qui célébrait dans ses chansons une vie nocturne et subversive, mais aussi une source d’affirmation de l’identité, avec laquelle on parle de soi avec fierté et honnêteté. Blind, le renversant premier single extrait du disque, magnifiquement interprété par Antony Hegarty et propulsé par une basse digne de Larry Levan, en est la parfaite illustration. Andrew Butler : “Je trouvais intéressant qu’il chante sur de la musique synthétique, et non pas folk comme avec son groupe Antony and the Johnsons. J’étais très impressionné par sa voix, son exigence dans son travail, son art. Nous avons tellement de choses en communs : nos goûts, expériences . Je lui ai immédiatement proposé de venir au studio et nous avons registré Blind.” Mise en boîte, la chanson reste pourtant dans les cartons, où elle rejoint les nombreuses compositions qu’Andrew Butler accumule depuis des années. “Jusqu’alors, avoir enregistré une chanson suffisait à me satisfaire, je ne ressentais pas le besoin de la rendre publique. Antony m’a beaucoup encouragé, et aidé à changé ma manière de voir. Je crois qu’en réalité, je ne m’assumais pas vraiment en tant que songwriter avant d’écrire Blind.”
Butler est pourtant loin d’être un débutant. Passionné de musique, il joue du piano et compose depuis l’enfance. Une formation classique déviée à jamais par Don’t Go, l’explosif single de Yazoo, qu’il découvre en 1986 à 10 ans. “Le choc ! J’avais l’impression qu’il avait été fait au paradis, que ses sons étaient extra-terrestres. La voix d’Alison Moyet était géniale, troublante, je ne savais pas si c’était un homme ou une femme. J’étais obsédée par cette chanson.” A 15 ans, il plonge dans la scène house de Chicago, se métamorphose en clubbeur assidu et devient DJ dans la foulée. “Denver était une ville ennuyeuse, conservatrice, avec des lois anti-gays, où se développait en même temps une scène club très intense. Ça tenait beaucoup à sa situation géographique : elle était équidistante de Chicago-Detroit d’un côté, San Fransico-Los Angeles de l’autre. Donc les DJ de ces deux zones venaient mixer chez nous.” Installé à New-York depuis une bonne dizaines d’années, il vit de son son activité de DJ, organise des soirées, écrit également quelques articles pour la presse musicale et est rapidement devenu un spécialiste disco. Hercules and Love Affair est son premier véritable projet. Prenant comme figure tutélaire Hercule, le dieu grec antique qu’il a choisi pour sa force légendaire et aussi pour son sentimentalisme et ses amours homosexuels (“il est à la fois l’homme le plus fort du monde et aussi le plus vulnérable”, explique-t-il ), Butler a composé un chef d’œuvre qui s’écoute à la fois comme un hommage vibrant aux Arthur Russel, Chic, Donna Summer, Sylvester Ou Innercity (You Belong cite explicitement leur Big Fun) que comme une passionnante et haletante odyssée identitaire, interprétée à trois voix. Premier rôle, alter ego, toujours juste dans son émotion, Antony habite les plus beaux titres du disque, de l’inaugural Free Will au superbe Blind en passant par le sautillant Raise Me Up. Réservées aux moments plus feutrés, intimistes, les voix de Nomi (une performeuse et chanteuse hip-hop, aperçue sur quelques productions de RZA) et Kim Ann (une figure de la scène queer underground de San Francisco) complètent à merveille le casting. On en sort un peu grooggy et chamboulé émotionnellement, oscillant tout au long du disque entre des sentiments habituellement opposés (tristesse et gaieté, insouciance et introspection), habité surtout d’un grand sentiment de liberté. Quelques symptômes de l’expérience disco, si l’on en croit Andrew Butler. “C’est une musique des extrêmes, animée d’un incroyable sentiment de liberté. Tu te crées un endroit, sur le dance-floor où tu dis qui tu es, où tu peux être qui tu désires. Je trouve que c’est une très belle idée.”

Géraldine Sarratia
Album Hercules and Love Affair ( DFA/Emi)
/// www.herculesandloveaffair.com

Friday, May 16, 2008


DOUBLE PEINE


En articulant depuis ses origines les concepts de sexe et race, le féminisme noir américain constitue un apport théorique essentiel. Enfin traduits, ses textes fondateurs arrivent en France



« Woman is the nigger of the world » (la femme est le nègre du monde), chantait en 1972 John Lennon, quelques années après la révolution de 1968. Dans les bras de Yoko, John avait vu juste, mais avait oublié un détail : quid de la femme Noire ? Black feminism, première anthologie du féminisme africain-américain (1975-2000) à paraître France permet d’apporter quelques éléments de réponse, et de combler une énorme lacune. Constitués en objets d’études aux Etats unis depuis le début des années 80, parallèlement aux Women Studies ou aux Black Studies, les études noires féministes (Black feminine Studies) infiltrent et influent, tout comme les textes de la théorie queer, les textes et travaux des universitaires françaises depuis le début des années 90 et surtout 2000. Faute de traduction, leur existence, tout comme leur apport théorique restaient pourtant jusqu’alors inconnus du grand public. «Leur découverte a vraiment été comme un pavé dans la gueule pour les mouvements féministes et également antiracistes. Dans le milieu féministe intellectuel et / ou militant, les questions soulevées par le Black feminism correspondaient à la problématique émergente, qui était celle du croisement du sexisme et du racisme. Nous étions de plus en plus nombreux/ ses à se référer à ce corpus africain-américain », explique Elsa Dorlin qui a conçu, coordonné, et préfacé dans une longue et passionnante introduction, cette anthologie. Cette enseignante et chercheuse française (à Paris 1), philosophe, a publié l’an passé l’essentiel Matrice de la race. Recueil de dix textes écrits entre 1975 et 2000 par des universitaires, sociologues ou tout simplement militantes féministes noires américaines, Black feminism est une plongée théorique et politique, ainsi qu’un formidable témoignage sur deux siècles d’histoire des identités noires américaines. Mouvement héritier malgré lui de la fameuse « ligne de couleur produite par les systèmes esclavagiste, puis ségrégationniste ou discriminatoire », le féminisme noir trouve son origine dans une double exclusion, qui survient au 19 è siècle, au moment de la lutte pour les droits civiques aux Etats Unis. Au départ, mouvement féministe et lutte abolitionniste sont liées aux Usa : en 1830, de nombreuses associations féministes se mobilisent en faveur de l’abolition de l’esclave (Female Anti-Slavery society fondée en 1833). Très vite pourtant, une scission perverse intervient : ne pouvant supporter d’être reléguées plus bas que les anciens esclaves, les mouvements féministes blancs excluent la femme noire de la catégorie « femme ». « Dans cette configuration précise, explique Elsa Dorlin, un piège s’est refermé sur les femmes esclaves, qui n’ont considérées ni comme des femmes, ni comme des esclaves ».
C’est en dénonçant et articulant simultanément cette double exclusion, de race et de sexe, en établissant précisément que la domination était toujours hétérocentriste et raciale, que le mouvement féministe noir américain se formalise et s’institutionnalise au début des années 70 sous l’impulsion d’auteures telles qu’Angela Davis, Michele Wallace ou encore tel que le collectif radical Combahee River Collective. Les apports du mouvement sont aujourd’hui énormes. Changement de perspective au même titre que l’arrivée en France du concept de genre, les problématiques Black féminists (l’identité de femme comme étant forcément racisée, le concept de sororité, la notion de domination. etc.) ont mis à la disposition des chercheurs « des outils critiques et théoriques pour penser et lutter contre le racisme et le sexisme ». Elles ont également poussé le mouvement féministe français à faire un retour critique sur sa propre histoire, et son rapport au colonialisme et au racisme. « Pourquoi, lorsqu’ on parle de féminisme noir en Métropole, on pense tout de suite à l’Afrique ou l’Amérique ? Pourquoi est ce qu’on ne pose jamais la question de la dimension post-coloniale de la France ? », interroge Elsa Dorlin. L’actualité politique contemporaine n’est pas en reste. En 1982, les féministes afro-américaines s’institutionnalisaient en publiant un ouvrage collectif intitulé « Toutes les femmes sont blanches, tous les Noirs sont des hommes, mais nous sommes quelques unes à être courageuses ». Vingt-cinq ans plus tard, la candidature démocrate Hillary Clinton- Barack Obama, semble leur donner raison


Géraldine Sarratia

Black Feminism, textes choisis et présentés par Elsa Dorlin, l’Harmattan, 260 p.

Tuesday, May 13, 2008


J’ai la guitare qui me dérange

Depuis quelques mois elles sont partout. Elles squattent les magazines de mode, de Elle à Madame Figaro, crânent en couv’ des Inrocks, se confient dans les pages portraits de Libé. Comme protégées et portées par une sorte d’immunité, de ferveur collective, elles font l’unanimité. Intouchables, encensées, incontournables. Elles, ce sont les filles à guitares acoustiques. Elles s’appellent Carla Bruni, Elodie Fregé, Anaïs, Linda Lemay, Pauline Croze, Jeanne Cherhal, ou même Babette, récemment échappée des sautillants Dyonisos. Ces deux dernières années, elles incarnent le renouveau de la chanson française, qui ne jure plus que par elles. Un sacre pour le moins étonnant en ce début de vingt-et-unième siècle : qui aurait parié, il y encore vingt ans, que le futur se passerait d’électricité, et que la femme des années 2000 serait représentée par les descendantes de Sœur Sourire, assises sur leurs tabourets, en train de fredonner de jolies mélodies ?
Car la fille à guitare acoustique ne « chante » pas vraiment. Elle chuchote, susurre, fredonne, joue avec son timbre de voix, parle parfois. Charlotte Gainsbourg, qui ne joue pas de guitare, fait évidemment partie de cette catégorie. Elle fait preuve d’une certaine retenue, question de style. Souvent grande, elle porte les cheveux longs et adore les basics, tout particulièrement le couplé, jean pull en cachemire. Un rien ne l’habille. Elle est très souvent, on le disait ; assise sur un tabouret. Une position (pas aventureuse) sûrement beaucoup plus confortable pour jouer de la guitare, mais, on en conviendra; pas très rock star. Mais justement, le rock, elle s’en fout.
Pied-de-nez aux avancées technologiques, la fille à guitare acoustique sonne en effet comme un défi à l’histoire. Elle semble nous dire que le rock (et la contestation sociale qui va avec) n’a jamais existé, que Dylan n’a jamais revisité sa Highway 61 et que le monde ronronne, Like a rolling Stone. Qu’il était beau le temps vantés par les chanteurs et chanteuses de folk au début du siècle, les verts pâturages, les veillées au coin du feu. Pour la contestation, faudra repasser. Quand elle s’y essaie tout de même, elle la pratique avec mollesse, humour ou autodérision. C’est Anais qui s’en prend à un des piliers de notre société : le couple., qui lui « donne la gerbe », lui « colle le cul par terre » dans sa chanson la plus connue « Mon Cœur mon amour »….Pour mieux avouer,quelques couplets plus loin, le nerf de sa guerre : « Je hais les couples qui me rappellent que je suis seule. »
Jeanne Cherhal, elle, dans Douze fois par an parle de ses règles, un sujet à première vue audacieux et tabou. Le traitement laisse songeur. Cherhal chante « Douze fois par an, elle se tord de douleur (…) Son ventre est un feu/ un volcan fiévreux / Qui crie à sa place ». On ne peut qu’applaudir la vision biologisante de la femme, commandée, c’est bien connu, par ses hormones.
C’est finalement le plus gros reproche que l’on adressera à la femme à guitare acoustique : chanter comme si mai 68 avait été une illusion télévisuelle, comme si les Slits, Patti Smith ou the Raincoats n’avaient jamais existé. Jouer de la musique comme on fait du tricot, pour passer le temps, et refuser de prendre à bras-le-corps des formes esthétiques nouvelles et les investir de significations politiques, sociales.
Pas besoin d’être Roland Barthes pour comprendre que le rock et la guitare électrique sont bien plus que la musique de la jeunesse en colère. Ils symbolisent la puissance, la pulsation nécessaire au retournement d’un ordre établi.
La fille acoustique c’est celle qui refuse comme l’écrivait Béatriz Preciado d’ « en avoir une grosse », de s’hypersexualiser au contact des guitares électriques et autres samplers, et peut être de prendre le risque de s’approprier des codes et qualités jusqu’alors masculines : agressivité, ambition, pouvoir . C’est la housewife fière de l’être, qui gratouille dans son coin, contente de sa condition. Avec sa guitare folk comme étendard, elle est le dernier rempart contre l’ennemie R’n’b au look « chienne de l’enfer », les corps mini String, maxi seins.

G.S., Publié dans GQ, avril 2008

Saturday, March 08, 2008


HEROS DISCO

De quoi parle la disco ? de bonheur, de joie partagée sur la piste ? Oui, et aussi et surtout de soi, de la place qu'on parvient à se faire dans le monde avec son genre, ses particularités. Plus encore que dans certaines chansons Pop qui peuvent décliner des paroles tristes sur des mélodies enjouées, il y a quelque chose de fondamentalement triste, profond dans la disco. un équilibre subtil, précieux qui me transporte. comme quand Sylvester chante "I need somebody to love me tonight", que Jimmy Sommerville chnante Smalltown boy ou qu'Antony sur ce nouveau très beau projet Hercules and Love Affair chante le bouleversant Blind. A l'origine de ce projet collectif, Andy Butler un Dj qui gravite dans la scène underground queer de NY et SF depuis une bonne quinzaine d'années. Smalltown boy lui même, de Denver ("j'étais le seul a chanter Pump up the Jam à l'arret de bus" ), Butler tombe en arret face à Yazoo le groupe d'Alison Moyet dans les années 80. La fièvre disco ne le quittera jamais plus. Hommage à cette culture, fier, camp, Hercules and Love affair est un des plus attachants et renversants disques de cette rentrée. produit par DFA, Butler livre des hymnes chantés par Antony, Nomi ou Kim Ann.

Wednesday, February 27, 2008



C'EST MON GENRE !

« La France ayant la réputation d’être le pays où la politique des identités n’existe pas, la rencontre C’est mon Genre de Nantes proposée par l’erban est l’occasion de revisiter et repenser les enjeux, les acquis, les implications des pensées féministes et de la question du genre – concept qui tente de saisir les contradictions identitaires. C’est mon Genre aborde les rapports de pouvoir, les relations entre l’art, le féminisme et la philosophie post-structurale ou la queer theory.
Parler de féminisme(s) n’est pas une invitation à une guerre des sexes mais permet de mieux appréhender les ressemblances et les différences en abordant la complexité de ce qui fait l’identité d’un individu.
Cette rencontre invite au débat à partir des recherches d’Emmanuelle Antille, Marc Bauer, Alain Buffard, Françoise Collin, Brice Dellsperger, Elsa Dorlin, Fabienne Dumont, Valie Export, Virginie Jourdain, Elisabeth Lebovici, TaniaMouraud, Beatriz Preciado, Elvan Zabunyan, Giovanna Zapperi...
Elle s’appuie sur une question : Quels sont les enjeux de cette
réalité pour les jeunes générations et leurs pratiques de l’art ? »`
Trois jours de débats donc, colloques qui pourront avoir pour thème la performance de genre de Beth Ditto in « what would beth ditto do ? » (Eleibovici-Gsarratia) , une intrigante étude « Foucault vs Madonna : Outils média et constructions identitaires », ou encore « Performe ton genre, performe ta race » par Elsa Dorlin.

Colloque c’est mon genre
les 4, 5 et 6 mars 2008
de 10h00 à 19h00


amphithéâtre, 5e étage de l’école
entrée libre dans la limite des places disponibles
école régionale des beaux-arts de nantes
place dulcie september
44001 nantes cedex 1
t. 02 40 35 90 20
f. 02 40 35 90 69
http://www.erba-nantes.fr

Tuesday, October 23, 2007

SPRINKLE A BOURGES !


Je suis à deux heures de Paris et je serai cette semaine la capitale bouillonnante de l'activisme queer et des réflexions sur les questions de genre, le féminisme, le sexe et ses représentations. Je suis? je Suis ? Londres ? Bruxelles ? Deauville ? mais Non, je suis BOURGES ! cette semaine, du 22 au 28 octobre, Bourges accueille en effet Sexe Public, une semaine de débats, conférences, colloques gratuites et ouverts à tous. Elle est organisée par l’association Emmetrop(www.emmetrop.fr.fm) , en partenariat avec la philosophe et théoricienne du genre Béatrice Préciado, auteure du Manifeste contra-sexuel, dont les travaux prolongent Foucault et Deleuze. Fondé en 1984, l’association Emmetrop, dont le champ d’action s’inscrit à l’intersection de l’art contemporain, des musiques actuelles, des cultures urbaines , pas novice en la matière. L’an dernier elle avait déjà organisé Yesporno, une manifestation du même genre dont le point fort avait été constitué par la rencontre entre l’écrivaine-réalisatrice Virginie Despentes et la réalisatrice de porno SF taiwaiennaise Shu Lea Chang. Cette année, en plus de Despentes et Préciado, Sexe Public reçoit la musicienne , actrice , écrivaine, performeuse Lydia Lunch et surtout Annie Sprinkle, figure essentielle du féminisme pro-sexe. En 1985, cette actrice porno, prostituée, aujourd’hui artiste reconnue, est en effet la première à utiliser le terme de post-pornographie en référence une performance qu’elle vient de réaliser, The Public Cervix Announcement. Lors de cette performance Sprinkle invite en effet le public à s’introduire dans son vagin à l’aide d’un spéculum et à explorer ce dernier. Un acte, fondateur, avec lequel, comme l’explique la philosophe Béatrice Préciado, « se dessine alors une nouvelle représentation du sexe et de la sexualité, qui critique simultanément la censure préconisée par le féminisme abolitionniste et la visibilité normative produite par le discours médico-légal et les codes de la pornographie traditionnelle ». Un acte qui rendra possible la post-pornographie, cette ensemble de films, performances ou textes qui détournent et réinventent les codes du X traditionnel, et dans lequel on trouve des artistes tels que Bruce La Bruce, Del Grace Volvano ou Virginie Despentes. « Annie Sprinkle a fait du porno quelque chose de rayonnant, loin des idées recues , explique Karin-Eric de l’association Emmetrop. Les femmes que nous invitons réécrivent les histoires dominantes. Dans notre société, où s’opère un retour du puritanisme et où la sphère privée est de plus en plus mise à distance, il est particulièrement important de rendre visible ces formes qui réinventent la sexualité».
www.anniesprinkle.org

Monday, October 22, 2007


MEN ou LE TIGRE EN CARTON

Vendredi soir minuit : j'enfourche mon scooter et brave le froid pour aller jeter une oreille à MEN aka Le Tigre , le nouveau project de Jd samson et Johanna Fateman, dixit le Flyer :
l’occasion de leur tournée européenne, elles s’arrêteront en France, pour nous présenter leur nouveau side project, MEN. Bidouilleuses de talent, elles produisent des sets dégénérés et énergiques à coups de remixes et de productions personnelles, alliant pop, rap, disco et dance. Évènement incontournable GRRR !" Vite dit. Le résultat fut plus proche du foutage de gueule que de l'évènement. Vêtues de capes portant leurs nouvelles couleurs, JD et Johanna, s'agitent derrière deux laptops et balancent leur sélection, plus proche de l'animation de mariage que de Dj set digne de ce nom. ça sentait plutôt le gros prétexte pour s'offrir un petit voyage en Europe au frais de Le Tigre (c'est Kathleen Hannah qui doit être contente).Titres ultra mainstreams (Around the world, Like a prayer) toujours présentés dans la pire version remix existante. Une des mes copines me glisse, offrant un parfait résumé de la situation : "sympa leur nouveau concept : " on s'appelle Men, on met des capes et on passe des disques de merde".
Entendons nous bien: passer des disques de merde n'est pas en soi un délit, tout dépend du contexte (encore fait-il savoir choisir le BON Madonna !). De la part de meufs qui se réclament du Tigre, ce groupe pour qui musique et revendication politiques ont toujours été inspérables, ça du mal à passer. ça fait même assez mal au cul.
www.letigreworld.com

Tuesday, October 16, 2007


FAIRMONT LE MAGNIFIQUE


En 2005, son Gazebo, trip mélodique et psyché, nous avait retourné la tête. Avec ce titre sorti sur le label de James Holden Border Community, Fairmont, de son vrai nom Jake Fairley s'était imposé, avec Nathan Fake, comme un des plus fins mélodistes du moment. Surtout il dessinait une nouvelle voie pour la musique electronique engluée dans trop de systématisme et de minimalisme. Aujourd'hui il s'apprête à sortir Coloured in memory, un deuxième ambum somptueux dont le point d'orgue est Flight of the Albatross : une mélopée de six minutes hantée et flottante, sublime.
J'appelle Jacob qui vit à Berlin dans son appartement de Mitte. Interview.

Tu vis à Berlin depuis longtemps?

Quelques années maintenant, pour un tas de raisons. Par rapport à la musique que je joue, c’était plus cohérent de me trouver en Europe. J’ai choisi Berlin parce que beaucoup de mes amis s’y étaient installés, que j’adore cette ville, et que la vie n’y est pas chère ! Ici je peux assez facilement payer mon loyer en jouant en clubs et vivre de ma musique.

Tu as toujours eu un son plus européen que canadien ?

Il n’y pas vraiment de scène club aux Etats-Unis. En partie à cause des distances, du coût des transports. Les clubs sont plus petits, ils ferment plus tôt. Beaucoup d’artistes electroniques canadiens viennent vivre en Europe (Pan Tone, Konrad Black..)

Quand as-tu enregistré ce disque ?

Je l’ai majoritairement réalisé entre les mois de février, mars et avril 2007. Mais certains tracks remontent eux à trois ans. Je les ai retravaillées complètement en gardant certains éléments tels que la mélodie. Je crois que le premier track que j’ai composé est I need Medecine.

Tu as tout produit sur ton ordinateur ? ou tu as été en studio ?

J’ai un petit studio dans mon appart. J’ai un ordinateur et beaucoup d’équipement analogique.
J’ai tout fait chez moi. Vers la fin, James Holden et venu passer quelques jours, pour écouter et me donner son avis. C’était précieux d’avoir quelqu’un qui porte un regard neuf et te dire « là c’est trop court, là c’est ok… ».

Comment as-tu eu l’ide de Flight of the Albatross ?

Je ne sais pas ! (il rit). Parfois mes chansons font références à des éléments de mon passé, des émotions comme l’indique le titre. J’ai écouté le titre, et essayé de déterminer à quoi cela me faisait penser. Et cette figure de l’Albatross est venue dans ma tête. J’avais le sentiment de quelque chose qui flottait.


Border Community : Comment les as -tu rencontrés ?

J’ai envoyé un e mail ! c’était en 2004 et je commençais à tourner en rond, à être ennuyé par ce que je faisais. J’avais la sensation de mettre engagé dans une voix et d’avoir terminé de l’explorer. Cela valait surtout pour mon projet jake Fairley avec lequel je produisais des tracks techno-rock. Je ne savais plus trop ce que je voulais faire, et écouter. J’ai commencé à travailler à de la musique plus douce. J’ai aussi découvert la musique de Nathan Fake et James Holden. Elle m’a redonné mon enthousiasme.

Tu te sens proche d'eux sur un plan créatif ?

Oui. Je me reconnais totalement dans la musique de Nathan et James. Non que je me sente influencé, pu que j’essaie de les copier. James Holden est mon producteur et mon DJ favori ces deux dernières années. Nous avons joué pas mal ensemble et il m’a offert de tourner avec lui pour la sortie de mon album

Border Community t’a redonné ton enthousiasme. Selon toi qu’ont –ils apporté de nouveau pour la musique électronique ?

Ce label a imposé un sens mélodique très fort. Beaucoup de gens ont copié cela maintenant. Tout le monde veut faire des tracks electro dotés d’une énorme mélodie. Border, par le biais de James a également a apporté une complexité dans la programmation, la production. Nathan a apporté la mélodie et James cette complexité et densité dans la programmation.
Aujourd’hui, beaucoup de producteurs font cela. Mais à l’époque, c’était nouveau et sonnait différemment. Le challenge à présent c’est de parvenir à aller plus loin.

Les gens, en parlant de Border, parlent souvent d’electro-psyché. Tu comprends cette appellation ? En même temps il suffit de regarder la pochette super psyché de ton album !

Oui. Je ne sais pas si ma musique est particulièrement hypnotique ou psychédélique, moins en tout cas que celle de james. Mais je pense que nous avons sen commun d’être plus influencés et nourri par la musique du passé et de cette époque, plutôt que par de sons et une esthétique futuriste.

Quand tu as fait Gazebo, tu sentais que ça allait devenir un gros track clubs ?

Non, pas vraiment. Mais quand j’ai su que Border le sortait, j’ai su que ça allait quand même marcher. Le label était très hype et surtout ne sortait que très peu de maxis. Tous marchaient assez bien. Je pense que si j’avais sorti ce track sur un autre label, il aurait eu une histoire différente. Je pense que ce titre est sorti sur le bon label, au bon moment. Je ne le trouve pas différent ou meilleur que d’autres tracks que je produis.

Quand as-tu commencé à faire de la musique électronique ?

Autour de 1995. A cette époque, la musique que j’écoutais m’ennuyait pas mal. J’ai grandi à Toronto. Je traînais pas mal dans le milieu skate, j’écoutais beaucoup de punk, de rock, et aussi beaucoup de hip-hop comme tous les skateurs. J’ai commencé à vraiment m’intéresser aux instrus hip-hop, ça a été mon initiation à la musique électronique. Puis le hip-hop m’ a vraiment lassé. J’écoutais un peu de musique électronique à la radio. Il m’ fallu du temps pour trouver des trucs que j’aimais vraiment. Je n’y connaissais rien. Ma mère avait un ordinateur et j’ai commencé à) bidouiller des trucs. Je n’avais aucune idée de ce que je faisais !! Un an après j’ai eu mon premier synthé analogique, puis une boîte à rythmes.

Tu as fait une reprise très enragée de I wanna be your dog. ? Tu écoutes toujours beaucoup de rock ?

Oui ! J’écoute autant de groupes à guitares de que musique électronique. Et peut être même plus parce que j’entends tellement d’electro quand je joue le we, qu’ensuite j’ai envie d’autre chose. En ce moment, je n’écoute spas trop les trucs du moment, les groupes electro rock, ça me gonfle. J’aime beaucoup the Ponys, ils sont de Chicago ; c’est pop, très psychélique. Ils ont un super son de guitare.

Tu produis aussi des tracks sous le nom Jake Failey. Comment conçois tu ce sdifférentes identités ?

Quand j’ai commencé à faire de la musique, je n’ai pensé consciemment à prendre plusieurs identités, à en faire sous différentes identités. Je produisais des tracks et ce sont les différents labels pour qui je bossais, qui, petit à petit m’ont poussé à faire ça. Ils voulaient que les choses soient très claires, séparées. Je pense qu’aujourd’hui, la musique a pas mal changé de ce point de vue. En ce moment, j’ai surtout envie de faire de la musique pour Border, avec Fairmont.

Jake Fairley te manque de temps en temps ?

Non. Je crois que je suis plus un party animal. Je me sens plus en phase avec Fairmont. Produire des sons agréables, tenter de me sentir bien dans ma vie, de mener une vie agréable. Pas d’être dans le chaos.

Tu es intéressé par le son electronique de 2007 ?

Pour moi 2007 n’est pas la meilleure année de l’histoire de la musique mais cela ne signifie pas que 2008 ne le sera pas. Il y a de très bonnes choses qui sortent. Le vrai problème cette année je trouve, et en particulier dans la scène techno, c’est que les djs et producteurs essaient trop de faire plaisir au public, au détriment de la musique. Ils sont plus préoccupés par le fait de réussir leur soirée que de jouer de la bonne musique. Trop de gens se contentent de copier le son Minus, le son Border Community au lieu de se demander ce qu’il y aura après.

Tu aimes la nouvelle scène parisienne : Justice, Ed banger ?

No comment ! ce n’est pas mon son. Peut être si c’étit sorti il y a quelques années.. mais là je suis trop vieux, c’est trop fort pour moi. Au Canada, ça cartonne. C’est la musique parfaite pour ce pays où tout ferme à deux heures. Tu vas au bar, tu bois, t’écoutes Justice et après tu dors!

Tu joues souvent en France ?

Oui, beaucoup dans le sud de France. J’ai joué au Pulp deux fois, une fois avec Jennifer l’autre avec Siskid. J’adore jouer au Rex. Je m’y amuse toujours beaucoup ; le son est génial et le staff est super sympa.

Aujourd'hui tu vis de ta musique ?

Oui. Depuis que Gazebo est sorti en gros. Je ne suis pas riche, mais je peux payer mon loyer et arrêter de me stresser avec ça. Je peux refuser des dates, prendre du temps pour moi, comme ces trois mois pour faire l’album. La dernière fois que j’ai eu un job c’était il y a cinq ans. Mais je pense que je ne pourrais pas vivre de la même façon à Paris. C’tes Berlin qui permet ça.

D’où vient ton nom, Fairmont ?

C’était le nom de la voiture que mon père conduisait quand j’étais petit. C’est une marque, comme Ford. C’était une assez mauvaise voiture je crois. ? c’est aussi le nom d’une chaîne d’hôtels. Si tu tapes sur Google, tu vas tomber dessus !

Wednesday, October 10, 2007

On se repasse en boucle Kala son deuxième album qui repousse un peu les limites des musiques urbaines dans un mélange explosif de hip-hop, electro, standards de Bollywood et rythmes des favelas. Rencontre avec M.I.A, la nouvelle icone de la musique altermondialiste et décomplexée, quelques minutes après son concert à Rock en Seine.

Aujourd’hui tu portes une robe dorée Castelbajac. Est-ce que la façon dont tu es habillée est importante quand tu es sur scène ?

Oui. Pour le dernier album, je voulais avoir un style très africain, très tiers-monde. Je portais des fringues que j’avais eu à la croix rouge. Je pensais beaucoup aux chefs d’Etat ou dictateurs africains, si fiers. L’image est tellement importante pour eux ! ça m’a toujours interpellée. Ils font tellement attention à la façon dont ils sont habillés. Dans le tiers monde, ça fait vraiment partie de la culture de se mettre sur son 31 quand tu fais un show. Et j’adore ça parce que dans ma vie de tous les jours c’est très différent. Je mets ce qui est pratique, me tombe sous la main. Il y a un tas de vêtements et je pioche dedans. Ce qu’il a dans l’endroit où je me trouve surtout ! J’ai des problèmes de visa, donc souvent je ne peux pas rentrer aux Usa. Donc c’est pas toujours fashion, mais une fois que tu as ton style , c’est cool de s'y tenir

Penses tu que ton style est connecté à ta musique ?
Je ne sais pas. Ce sont les autres qui peuvent dire ça. Je ne peux pas penser comme ça. Je m’habille , et fais de la musique en suivant mes envies, ce que je suis.

La relation entre musique et style semble avoir a beaucoup évolué. Avant ils semblaient aller de pair : si tu étais habillé rock, tu écoutais du rock. Aujourd’hui on peut rencontrer un jeune qui s’habille rock mais écoute du hip-hop..

Oui , c’est juste. Les lignes se brouillent, se troublent et c’est une bonne chose. Je pense que c’est ce qui arrive dans la musique, les styles se mélangent. C’est normal je pense que la mode réflète ça également. La musique que je représente est faite d’un mélange de pleins d’ingfluences. C’est normal que la mode le soit aussi. Ce sont des fringues bons marchés et ça doit l’être. Si tu prends tous les gamins qui sont fans de nu-rave, leurs fringues sont bons marchés. Elles viennent de Tunstall Market. La vie est si chère en Angleterre. Tu ne peux pas te permettre d’acheter du Balenciaga. Donc tu dois te fabriquer tes propres fringues comme les punks qui portaient des épingles à nourrices et portaient des pantalons de chantier. De nos jours tu peux te permettre d’être un tout petit plus sophistiquée, grâce à la technologie. Produire les choses n’est plus compliqué ou très coûteux. Mes leggins viennent de chez American Apparel, je les ai payés 2 pounds sur le marché. Aujourd’hui qu’il soit question de musique, de mode, de culture ce sont les idées qui comptent. Si tu vas sur You tube, My Space, tu vois bien que ce sont les idées qui font la différence, pas le fait qu’une chose coûte cher. Pas les diamants ou le bling-bling. Celui qui gagne, c’est qui est le plus ingénieux, propose la coimbinaison la plus originale.il y a tellement de trucs merdiques sur la planète. Quand tu vas dans un magasin de disque, ça te donne le tournis tellement il y a de références. Le processus de sélection est devenu essentiel.

Dans l’histoire de la musique, quelles sont les femmes qui t’ont influencé ? Musicalement, dans leur style ?
Récemment j’ai joué avec Bjork, elle est incroyable. Elle a toujours le même style, la même vision ?. c’est important d’avoir des gens comme elle. J’aime sa musique même si c’est éloigné de ce que je fais. Elle a été un modèle pour moi. Quand j’étais à la St Martin School of arts,j’étudiais le cinéma, l’image. Et Bjork a vraiment été cruciale. Je repense à certains clips, très avant-gardiste. Maintenant tout cela a beaucoup évolué. Il est très difficile de faire une vidéo qui révolutionne le genre aujourd’hui. Mais à l’époque elle était à part. Elle avait le cran de prendre des risques. Je suis aussi très proche de Peaches et Justine Frishmann de Elastica. Elles ont été très importantes dans ma vie, dans mon désir de faire de la musique.

Penses tu encore à faire un film ?
Oui. Mais la St Martin a été un endroit particulier pour apprendre le cinéma. Tu peux filmer un mur pendant une demi-heure puis te lancer dans une grande tirade pour expliquer combien c’est plein de sens et profond ! bla bla bla (elle rit ). Ce n’est pas ce dont j’ai envie
Pour l’instant la musique m’apporte énormément.mais si tu deviens très bon, tout d’un coup tu deviens étrangement seul. Je ne sais pas trop si j’ai envie de devenir bonne à ça ou rester avec tout le mo

Tu réalises toi-même tes vidéos clips?

J’essaie de collbarorer . Pour la vidéo de Boys c’était super marrant. Je suis allée en Jamaique et j’ai fait une vidéo avec des gens là bas. Je n’ai pas envie de faire des vidéos de façon classique. J’ai envie de choses plus expérimentales. Pour Jimmy, les gens de la maison de disque m’ont dit « on parie que t’es pas capable de faire uen pop song, parec que tu en as besoin d’une pour les charts ». ça m’a rendu malade ! Je leur ai dit ok mais je vais vous faire du Abba. Sur la vidéo je voulais aussi jouer avec cette image pop. Ils voulaient que je sois une gentille fille, douce, et tranquille. Et je les ai laissés faire sur le coup. Parce que c’est assez intéressant de voir comment les autres vous perçoivent. Mais mon prochain clip sera beaucoup plus alternatif. Je pense que je le ferai sur I Chat. Je l’ai fait pour Bamboo Banga. J’ai joué la chanson sur mon laptop pendant quej’étais sur I chat.J’ai intégré le son de la vidéo dans la chanson. Elles sont intrinsèquement connectées.

Tu étais très attendue pour ce deuxième album. Est-il facile de dealer avec la pression de l’industrie musicale ?
ça va , ça vient. Tu dois tout prendre avec le sens de l’humour. J’oscille entre sens de l’humour et être bitch. (COMMENT ON traduit ? : salope, n’en faire qu’à ma tête). Tu ne peux pas l’éviter, c’est super dur d’être une femme dans l’industrie. Si tu veux en faire partie, tu dois être super forte, dure. Tu dois être bonne dans absolument tout ce que tu fais : tant le domaine de la création que de l’image. Tu dois être consciente de tout ce que ça implique. Mais j’ai l’impression que les femmes utilisent les deux parties de leur cerveau. ? Björk a vraiment réussi ça. Quand tu es une femme, tu as toujours davantage de choses à prouver.

Te définirais tu comme une artiste politique ?
Ma vie m’a rendue comme ça. Je n’ai pas choisi de l’être. Je trouve la politique ennuyeuse, et cette chose ennuyeuse a affecté ma vie d’une façon incroyable. Donc je suis dedans et me voilà.

Propos recueillis par Olivier Nicklaus et Géraldine Sarratia

Sunday, June 10, 2007



En tournée américaine depuis le début du moi de mai (elles ont écumé la cote est en compagnie de The Blow), les Anglaises d’Electrelane qui défendent les couleurs de leur superbe cinquième album, No Shouts, No Calls partent cette semaine à l’abordage de la Côte Ouest des Usa. Première étape, au nord Ouest du pays : le festival de Sasquatsch qui comptait en tête d’affiche Arcade Fire, Manu Chao, Grizzly Bear et Björk en vedette américaine.



SAMEDI 26 MAI : The Gorge, Etat de Washington. Sasquatsch festival

Après trois heures de route à travers la forêt et des paysages plus désertiques, me voilà arrivée a the Gorge, une gorge naturelle à couper le souffle, en pleine nature, à l’est de Seattle. Moins gros que Coachella, son comparse californien, Sasquatsch est un des meilleurs festivals américains. Une réussite qui tient au site, exceptionnel (La vue est tout simplement saisissante, la grande scène donnant l’impression de sauter dans le vide), et à l’esprit joliment décalée du festival pour les states : très engagé sur les questions écolo, Sasquatsch (le yéti en patois local)qui interdit par exemple les canettes en verre cultive une fibre alter-mondialiste comme en atteste les foulards et looks néo hippies croisés ça et là.





Il est environ 15 heures lorsque je rejoins les Electrelane (Emma Gaze, Verity Susman, Ros Murray, Mia Clarke) accompagnées de leur ingé son Tony, leur manager Martin et leur chauffeur Billie Ray qui arrivent droit du Montana. 15 H 45, les filles montent sur la petit scène, the Wookie stage. En dépit de quelques problèmes de son, d’un vent plutôt capricieux et d’un soleil qui cogne fort, les Anglaises délivrent un très bon concert, confirmant leur excellente prestation à la Cigale le mois dernier. Leur set, nerveux, électrique, mêle morceaux de leurs anciens albums (Eight Steps, tendu en diable, The Bells) et nouveaux morceaux, tel le poignant In Berlin ou le plus volontaire The Great Times.

Après une séance de dédicace sur le stand d’un magasin de disques installé sur le site du festival, on part à la recherche de bières gratuites et du catering backstage.
Ros et Verity tapent la discute avec Will le chanteur d’Arcade Fire et quelques autres membres du groupe (PHOTO 10) Les deux groupes se connaissent bien. Les Anglaises ont en effet assuré la première partie européenne des Montréalais et reprennent du service sur quelques dates américaines, dont Portland le lendemain.
Côté musique, pendant que les passionnants The Grizzly Bear donnent une prestation de haute volée sur The Wookie Stage, Manu Chao et son Radio Bemba Sound system mettent le feu à l’incroyable grande scène qui donne la sensation de tomber à pic dans la gorge naturelle. Très en jambe, soutenu par un groupe solide et ultra festif, Manu Chao qui porte un foulard rasta, fait mouche avec les rythmes punk-ska-reggae qui sortent de sa grestch orange. L’ex leader de la Mano, qui a toujours préféré joué pour des stades d’Amérique du Sud ou les indiens du Chiapas connaît une notoriété grandissante aux states, et pas seulement chez la communauté latino. Ultra réceptif, le public lui fait un triomphe.
Sur The Wookie Stage, les Beastie Boys en cravate et costumes livrent un show « instrumental » (avant le gros concert du lendemain prévu sur la grosse scène). Comprendre avec instruments, car les trois Mc new-yorkais sont bien incapables de tenir leur langue. En grande forme et en formation guitare, basse, batterie, clavier, les quadra alternent instrus psychédéliques à souhait (Sabrosa) et reprennent avec un plaisir manifeste les brûlots punkies des débuts.
La nuit tombée, nous allons toutes(exceptée Emma qui a filé et nous rejoint directement à Portland) assister au show d’Arcade Fire. Là encore, mauvais son, beaucoup de vent mais le gang de Montréal livre une prestation épique et habitée. Sur le coup de 23 h30, la très attendue Björk monte sur scène. Vêtue d’une fantasque robe jaune au style néo-médiéval, elle entame un set d’une heure trente lors duquel elle revisite majoritairement son répertoire (Hunter, Hyperballad, Joga..) et fait découvrir quelques morceaux de Volta, son dernier album. Accompagnée d’une section cuivre, de beats électroniques et d’une chorale exclusivement féminine, elle occupe la scène de manière impressionnante. Tantôt junévile lorsqu’elle danse et sautille au son des beats mates et puissants, elle se transforme en diva l’instant d’après, blouleversante de puissance et d’émotion. Minuit trente. Nous rejoignons le bus pour tenter de dormir quelques heures.

DIMANCHE 27 : en route pour Portland
6 am. Bille Ray, le grand gaillard originaire du Kentucky qui conduit le bus démarre. Direction Portland, où le groupe se produit le soir même en compagnie d’Arcade Fire au Schnitzer Hall. Le bus est l’autre grande star de cette tournée : entièrement chromé, super confortable, il est équipé du wifi (qui fonctionne un peu quand il veut), de télés, lecteurs DVD et de lits couchettes dans lesquels nous dormons.
(PHOTOS 11 a 14)
La route qui relie The Gorge à Sasquatsch est superbe. On croise d’immenses paysages qui se font de plus en plus désertiques à mesure qu’on avance. On croise des vaches, et fait une pause sur le coup de 11h dans un petit bar restau sur la route. A suivre….
(PHOTOS 15 et 16)

Sunday, January 28, 2007

40 Ans après mai 68

Ces derniers temps, pas mal de bouquins s’interrogent sur la condition de la femme. Qu’ils appellent à une « deuxième émancipation » des femmes ou se contentent de dresser un constat, tous s’accordent pour dire que c’est loin d’être gagné aujourd’hui. Pourtant qu’est ce qu’être féministe aujourd’hui ? Notion à tort galvaudée, trop souvent synonyme de ringarde et mal baisée, la féministe était devenue une sorte de maladie honteuse, pourfendue par les médias. Il est grand temps qu’elle fasse son retour.
A leurs corps défendant (Seuil), un excellent essai d’Anne Simon et Christine Detrez analyse le traitement du corps dans la littérature féminine contemporaine. En s’appuyant sur des textes de Nina Bouraoui, Christine Angot, Marie Darrieussecq, Catherine Millet, Catherine Breillat, Virginie Despentes… les deux auteures s’interrogent :
Certaines de ces auteures se revendiquant par ailleurs féministes ne font-elles que reproduire des stéréotypes pensés par les hommes et perpétuer les clichés les plus éculés sur la nature féminine ? (fragile, liquide etc…) La simple inversion des modèles garantit-elle leur affranchissement ?
Dans Qui a peur du deuxième sexe, un essai à paraître chez Hachettes Littérature le 21 février 2007, la journaliste de Libération Cécile Daumas se demande, ne partant de l’hypothèse propagée par les néo-réacs Eric Zémour ou Alain Soral si les femmes auraient pris le pouvoir ?
« Beaucoup rêvent la Française des années 2000 en amazone victorieuse. A l ‘aise dans sa féminité, celle-ci n’aurait plus l’homme pour adversaire. (..) Pourtant la superwoman glamour ne cache-t-elle pas aussi une réalité statistique et psychologique moins souriante ? ». Très documenté, le livre souffrira surement de la comparaison avec le King Kong Théorie de Despentes, qu’il cite d’ailleurs à de nombreuses reprises. Si elle n’a pas la force De Despentes, Cécile Daumas développe une réflexion salutaire, qu’il fait bon à entendre et tente de poser quelques pistes pour un nouveau féminisme « débarrassé des réflexes parfois puritains et revendicatifs ».
Enfin, Dominique Méda et Hélène Périvier appellent quand à elle au deuxième âge de l’émancipation, dans leur livre au titre éponyme. Sous titré, « la société, les femmes et l’emploi ». Pour elles, il faut « non seulement poursuivre le combat des droits et des représentations mais également ouvrir un nouveau front : celui d’une profonde réorganisation économique et sociale ». Un livre très documenté, qui fait le point en matière d’inégalités, expose quelques expériences étrangères pour nourrir le débat et tentent de définir ce que sera la « nouvelle voie française ».

Friday, January 05, 2007

ça matche ou bien ?
Ma Bonne amie C* m'a dit qu'il était temps que me sorte le plumier que j'avais dans le cul? C'est dit.

Sunday, November 12, 2006


FUN HOME, d'Alison Blechdel

Jusqu'alors, on connaissait Alison Bechdel pour Dykes to watch out for, une série de petits comics narrant avec humour les aventures d'une bande de copines lesbiennes. Elle publie aujourd"hui Fun Home, une des meilleures autobiographies en bande dessinées depuis Maus de Spiegelmann ou Persépolis. Un bouquin formidable et poignant sur la relation père-fille (un sujet rarement traité de façon intelligente) et la difficulté de se construire sur un non-dit. le livre est publié chez Denoël Graphic, vaut 20 euros et est à acheter de toute urgence.
J'ai profité de son passage à Paris le 26 octobre 2006 pour interviewer Alison Bechdel. Je la rejoins Rive Gauche, rue du cherche- midi à son hôtel. Alors que je feuillète distraitement Madame Figaro qui tente de me convaincre que vraiment, Charlotte Gainsbourg est formidable, elle surgit, vêtue de noir, l'allure sportive, le cheveu court. Il est 15 h, elle sort de son court de yoga.

Fun Home a recu des crtitiques dithyrambiques aux Etats-Unis. Ça vous a surprise ?
Oui. Beaucoup. Je fais des comics depuis presque 25 ans et je n’ai jamais bénéficié de ce genre de couverture. Mes livres étaient lus par un public spécifique et restreint : lesbiennes, gay. Je n’ai jamais eu cette attention de la part du mainstream. Ça a été un choc.

Vous avez pensé que votre travail passé n’intéressait pas les gens ? Que vous aviez changé quelque chose dans votre travail ?
Ça m’a questionné ! Mon travail passé était-il mauvais ? je pense tout de même que la raison principale c’est que mes comics étaient queer, et tournés vers ce public là. Peut être que maintenant les gens vont s’intéresser à mes premiers livres…Je pense qu’une des raisons pour lesquelles Fun Home a eu autant de succès c’est parce que c’est un roman familial. Les gens raffolent d’histoires vrais sur les familles « dysfonctionnelles»..Les romans graphiques sont devenus très populaires aux Usa. Je pense que mon livre est sorti au bon moment.

Vous avez aussi dit aussi qu’il y avait actuellement une coïncidence entre cette popularité nouvelle des comics et le fait que les gens étaient prêts pour les histoires gais et lesbiennes.
Oui. Les comics et les gays et lesbiennes ont en commun d’avoir été regardé de haut, critiqué avant aujourd’hui de devenir plus fréquentable et acceptés. Fun Home est une histoire queer, même si cela parle de la relation d’un père et de sa famille.

En parlant d’acceptation ou du moins de représentation mainstream, que pensez-vous de L Word ?
Je n’ai pas vu toute la série. J’ai loué certains DVD. Les auteurs de cette série ont un challenge intéressant à relever : L Word est une série très grand public, regardée par beaucoup d’hommes. Donc ils faut qu’il les titillent, comme dans la saison 2 où il y a beaucoup d’épisodes de ce genre. Mais ils distillent aussi dans leurs scénarios des problématiques et histoires qui s’adressent directement aux lesbiennes. C’est intelligent, et drôle. Je pense que les lesbiennes n’auraient jamais pu se voir à la télé sans ce compromis. Elles n’auraient pas eu les moyens de se financer . le public est trop restreint.

Vous pensez ?
Oui. Je ne sais pas. L’industrie télé le pense, et c’est ça qui est important !!

Est-ce la première fois que vous êtes publiée par une grosse maison d’édition et plus une indépendante ?
Oui. Cela a aussi beaucoup joué dans le succès du livre. Ca a été une expérience géniale parce qu’il y avait des dizaines de personnes qui bossaient sur mon livre. Jusque-là j’ai toujours travaillé avec des petites structures , avec une ou deux personnes qui faisaient tout, avec beaucoup de passion il est vrai. Mais quand tu as la possibilité d’avoir une personne qui travaille uniquement à concevoir la couverture, c’est une chose merveilleuse.

Comment avez-vous commencé à dessiner ?
J’ai toujours dessiné, comme tous les enfants. La différence c’est que je ne me suis jamais arrêtée. Je voulais devenir dessinatrice quand j’étais enfant mais en vieillissant j’ai eu l’impression que c’était impossible : c’était trop dur, presque personne ne trouvait du travail dans ce secteur. Les journaux employaient très peu de dessinateurs et quand c’était le cas les gens en place le restaient pendant 30 ans ! J’ai pensé un temps devenir graphiste. Je suis finalement devenue dessinatrice de BD, presque par hasard.
Quand j’ai fini la fac, j’ai commencé à faire ces dessins de lesbiennes. Parce que je ne voyais nulle part dans les livres des femmes qui me ressemblaient. J’ai eu envie de voir des images, des représentations de moi-même. J’ai commencé à les publier gratuitement dans des petits fanzines gays. Je venais de terminer la fac. Je travaillais à côté, des boulots alimentaires, stupides. Quand j’ai eu trente ans, j’ai réussi à vivre de ma BD.

Vous vous êtes lancée dans la série des Dykes to watch out for, un titre qui en anglais joue signifie à la fois « à suivre » et « à surveiller ». Vous trouviez que les lesbiennes étaient des êtres « à surveiller » à l’époque ?
Je voulais en effet exprimer la peur, la dimension un peu sécuritaire qu’il y avait envers les lesbiennes et aussi encourager les gens à les regarder. Ma première motivation c’était de les rendre visible.

Qu’est ce qui vous a décidée à écrire Fun Home ?
C’est une histoire que je voulais raconter depuis longtemps. Mon père est mort. Un an après, j’ai réalisé à quel point cela pouvait constituer une histoire intéressante. Mais je n’avais pas à l’époque ni l’aptitude artistique, ni le recul nécessaire émotionnellement. C’était aussi très difficile parce que c’était un secret de famille. Révéler que mon père était gay et qu’il s’était suicidé. Vingt ans ont passés et les mentalités ont changé. Cela ne semblait plus si terrible de dire que mon père était gay !

L’avez-vous à un moment envisagé comme un roman ?
Quand j’étais plus jeune c’est vrai que c’était pour moi la seule façon de penser cette histoire. Mais je ne pouvais pas le mettre en mots.

La littérature reste le domaine de votre père ?
Oui. Je pense que je suis devenue dessinatrice de BD pour ne plus avoir à encourir le jugement, l’œil critique de mon père. Et aussi de ma mère. Tous deux aimaient vraiment la littérature, la poésie. Je ne pouvais pas me mesurer à ça.

Dans votre famille, il semblait vital que chacun d’entre vous trouve sa propre forme d’expression artistique, bien distincte de celle des autres.
Oui. Nous étions aussi très isolés les uns des autres. C’était très intellectuel.

Ce livre est votre façon d’enterrer votre père ?
Oui. Pour moi c’est ma façon de l’enterrer, d’honorer sa mémoire. Son enterrement réel m’a semblé faux, vide de sens. Cela ne ressemblait pas à mon père. Fun Home est une façon d’envisager la vie et la mort de mon père.

Est-ce en même temps une extension du journal que vous teniez petite fille ?
Oui. Il est tout aussi obsessionnel que l’était mon journal ! Il y aussi la nécessité commune aux deux projets de dire la vérité. La raison pour laquelle j’ai commencer à employer ce signe (une sorte d’accent circonflexe NDLR) synonyme pour moi de « I Think», c’était parce que j’avais peur que ce que j’écrivais ne soit pas totalement vrai.

Vous n’aviez pas confiance en vos émotions ?
Oui d’une part et aussi parce que j’ai grandi dans une maison où il y avait des mensonges. C’est comme ça que j’interprète ce signe aujourd’hui.

Dans le livre vous montrez aussi une photo de votre père en maillot et une deux vous, prises à 20 ans d’intervalle. Et vous écrivez « quelle traduction parfaite ». Vous vous êtes concue comme une traduction de votre père ?
C’est très juste. Et j’aime beaucoup l’idée de traduction. Tout langage est affaire de traduction, ça n’est jamais exactement ça. Il y a toujours un manque. Un des sujets du livre pour moi est ce fossé qui existe entre notre être intérieur et extérieur et comment nous essayons d’utiliser le langage pour le combler. Mais le pont n’est pas parfait

Vous aimez beaucoup les dictionnaires, non ?
Oui, j’adore. Il vient de m’arriver un truc incroyable. Mon éditeur m’a envoyé un mail pour me dire qu’ils voulaient que je fasse partie d’un collège d’experts des mots . Ce sont des linguistes, écrivains auquel le dictionnaire fait appel quand ils se posent des questions sur les mots. Ce collège discute des problèmes, vote. Je pense que mon obsession des définitions et des dictionnaires vient de cette envie de communiquer précisément. J’ai toujours voulu être aussi précise que possible

Ce n’est pas très commun qu’un comic soit aussi bavard
Oui. Les puristes trouvent qu’il y a un peu trop de mots. Mais je m’en fiche, c’est façon de faire. Mon livre intéresse aussi, parce qu’il est si écrit, des gens qui ne lisent jamais de BD.

Avec votre père, les livres étaient devenues une façon d’échanger des sentiments
Oui c’était un medium nécessaire entre nous. En même temps, je détestais que mon père me dise sans cesse quoi lire. Un des plaisirs de la littérature, c’est la découverte. Sinon, ça gâche un peu le plaisir.

Avez-vous déjà souhaité que votre père soit moins cultivé ?
Oui ! c’est drôle parce que bien sûr c’est une chance de grandir aux côtés de qqn de cultivé. Mais j’ai résisté très longtemps. J’ai 46 ans, je viens de commencer à lire de la poésie. Mon père était fan de poésie, j’ai donc détesté ça pendant très longtemps. Il a voulu vivre beaucoup de choses à travers moi.

Avez-vous déjà souhaité que votre père soit hétéro ?
Non.

C’était difficile pour vous, entant que lesbienne de grandir avec un père gay ?
Je ne savais pas qu’il l’était, même s’il était très féminin !J’adorais sa féminité. Aujourd’hui j’entretiens avec lui une proximité posthume, très forte. Parce qu’il était gay. Un des trucs que je regrette vraiment c’est qu’on ait pas pu rentrer dans ce bar gay ensemble lui et moi. Souvent je rêve que j’entre dans un bar gay avec mon père !

Vous travaillez d’une façon très particulière : Avant de les dessiner vous prenez en photo toutes les situations représentées, et mimez les positions des personnages.
J’ai réalisé que j’allais plus vite. Par exemple pour celle-là je suis allée dans la forêt derrière ma maison ….ce n’est pas facile de dessiner l’anatomie humaine.

D’où vous vient l’habitude de prendre les photos ?
Cela fait longrtemps. Je le faisais avec des polaroïds lais c’était devenu trop cher. J’ai eu un appareil numérique en 2002 et depuis je c’ets plus facile.

Vous avez recrée les lettres, les photos de familles. Elles existent toutes ?
Oui. Je les ai un peu éditées pour qu’elles fonctionnent mieux.

Vos maîtres sont Hergé et Robert Crumb. Vous aimez Tintin ?
Beaucoup ! J’essaye d e lui ressembler d’ailleurs ! (elle touche ses cheveux). C’est drôle parce que ces deux artistes sont presque opposés. D’un côté la ligne claire d’Hergé de l’autre le détail fourmillant de Crumb. J’essaye que mon travail soit entre les deux. Hergé est un peu antiseptique, j’essaye d’être un peu plus chaleureuse. Mais j’aime sa précision.

Vous lisez beaucoup de BD ?
Non.

Et de livres ?
Pas trop pendant les sept dernières années que j’étais attelée à ce projet . Fun Home a vraiment pris toute mon énergie. C’est une forme d’art très exigeante.

Votre famille a lu le livre ?
Oui. Ils ne m’ont rien dit sur le livre en lui-même, sur l’histoire. Ils m’ont livré leurs émotions et c’était assez problématique. Ils n’étaient pas contents. Mais je pense que c’est le cas dans les histoires familiales il était impossible pour eux de le prendre objectivement. Ma mère particulièrement. Pendant que j’écrivais le livre, elle a cessé de me raconter des choses sur mon père. Elle avait compris que j’utilisais ses souvenirs comme matériaux et était contre.

Quels sont vos projets ?
J’ai envie de continuer dans le registre autobiographique. Je vais me pencher sur mes 20 ans. J’ai envie de parler de relations humaines et de ma propre expérience.

Propos recueillis par G.S., 26 octobre 2006